Every phrase and every sentence is an end and a beginning.

Every poem an epitaph.

/ T.S.Eliot /


martes, 3 de enero de 2012

- André Breton - El Verbo Ser -


Conozco la desesperación a grandes rasgos. La desesperación no tiene alas, no se sienta necesariamente a una mesa quitada en una terraza, de noche, a la orilla del mar. La desesperación es y no es el retorno de una serie de pequeños hechos como semillas que al caer la noche dejan un surco por otro. No es el musgo sobre una piedra o el vaso de beber. Es un barco plagado de nieve, si queréis, como los pájaros que mueren y su sangre no tiene el más mínimo espesor. Conozco la desesperación a grandes rasgos. Una forma muy pequeña, delimitada por joyas de pelo. Es la desesperación. Un collar de perlas para el que no se sabría encontrar broche y cuya existencia no pende siquiera de un hilo, eso es la desesperación. Del resto no hablemos. Acabaríamos por desesperarnos si comenzáramos. Conozco la desesperación a grandes rasgos. La desesperación no tiene corazón, la mano permanece siempre ante la desesperación jadeando, ante la desesperación que los espejos jamás nos dicen si ha muerto. Vivo de esa desesperación que me encanta. Conozco a grandes rasgos la desesperación de los largos y frágiles asombros, la desesperación de la soberbia, la desesperación de la ira. Me levanto todos los días como todo el mundo y extiendo los brazos sobre un papel de flores, no me acuerdo de nada, y siempre descubro con desesperación los bellos árboles desarraigados de la noche. El aire de la habitación es bello como unas baquetas de tambor. Forma un tiempo de tiempo. Conozco la desesperación a grandes rasgos. Es como el viento que me ayuda. ¡Se tendrá idea de semejante desesperación! ¡Fuego! Ah, vendrán otra vez. ¡Socorro! Helos ahí cayendo por la escalera. Y los anuncios de periódico, los letreros luminosos a lo largo del canal. A grandes rasgos la desesperación carece de importancia. Es un incordio de estrellas que de nuevo va a formar un día de menos, es un incordio de días de menos que de nuevo va a formar mi vida.


Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas d'ailes, il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de la mer. C'est le désespoir et ce n'est pas le retour d'une quantité de petits faits comme des graines qui quittent à la nuit tombante un sillon pour un autre. Ce n'est pas la mousse sur une pierre ou le verre à boire. C'est un bateau criblé de neige, si vous voulez, comme les oiseaux qui tombent et leur sang n'a pas la moindre épaisseur. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Une forme très petite, délimitée par un bijou de cheveux. C'est le désespoir. Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l'existence ne tient pas même à un fil, voilà le désespoir. Le reste, nous n'en parlons pas. Nous n'avons pas fini de deséspérer, si nous commençons. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas de coeur, la main reste toujours au désespoir hors d'haleine, au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s'il est mort. Je vis de ce désespoir qui m'enchante. Je connais dans ses grandes lignes le désespoir aux longs étonnements grêles, le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère. Je me lève chaque jour comme tout le monde et je détends les bras sur un papier à fleurs, je ne me souviens de rien, et c'est toujours avec désespoir que je découvre les beaux arbres déracinés de la nuit. L'air de la chambre est beau comme des baguettes de tambour. Il fait un temps de temps. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. C'est comme le vent du rideau qui me tend la perche. A-t-on idée d'un désespoir pareil! Au feu! Ah! ils vont encore venir. Et les annonces de journal, et les réclames lumineuses le long du canal. Tas de sable, espèce de tas de sable! Dans ses grandes lignes le désespoir n'a pas d'importance. C'est une corvée d'arbres qui va encore faire une forêt, c'est une corvée d'étoiles qui va encore faire un jour de moins, c'est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie.

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